Le destin fou des jeunes successeurs familiaux

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publication du 11/02/2022

« Je te donne mes parts, je te donne mes maux », destin des jeunes successeurs familiaux ? Michael Corleone était le plus jeune des fils de Don Vito et pourtant c’est bien lui qui a été choisi pour lui succéder dans la gestion des affaires familiales.

Loin de la mafia et dans un contexte de business légal, peut-on aujourd’hui s’autoriser à penser que le poids de l’âge et de l’expérience n’est pas si important qu’on veuille nous le faire croire ? Quid des jeunes dirigeants propulsés sur le devant de la scène ?

Devenir leader d’une nation à moins de trois ans et être abdiqué avant ses sept ans, ce n’est pas une histoire abracadabrante imaginée par le réalisateur du film multi-oscarisé « Le Dernier empereur » mais c’est bien le vécu d’un des plus jeunes successeurs au monde : Pu Yi. Il avait été choisi par sa tante l’impératrice douairière Cixi pour succéder à son oncle Guangxu à la tête de l’empire chinois.

Dans les affaires familiales, il est parfois difficile d’échapper à son destin

Et s’il est bien un contexte où l’on peut se retrouver très jeune à occuper le devant de la scène, c’est celui des entreprises familiales. Bien que celles-ci soient, depuis quelques années, plus ouvertes à l’idée de désigner un dirigeant externe quand cela s’impose, nombre d’entre elles tiennent plus que tout à assurer une transmission intrafamiliale.

C’est ce que vient confirmer encore récemment une étude de KPMG (2021) qui souligne que dans 70 % des cas, c’est l’unique solution envisagée. Cependant, par choix ou sous contrainte, le propriétaire-dirigeant peut être amené à lâcher les rênes de l’entreprise plus tôt que prévu pour laisser place à la next generation.

Et si le successeur n’a que la vingtaine ? Et s’il ou elle manque d’expérience ?

Le « si » n’a pas sa place car, le plus souvent, c’est une décision sans appel. Transmettre la propriété et le leadership de son entreprise à ses enfants ou à sa famille est parfois le rêve de toute une vie.

Un jeune, voire très jeune, successeur peut-il être un bon dirigeant ?

Il est sans conteste que ne pas considérer d’autres options limite la possibilité de choisir le meilleur candidat mais face à un candidat unique, il est possible de tirer le meilleur de la situation.

Un maître mot : le plan de succession !

Il n’est jamais trop tôt pour s’y mettre. La préparation de la transmission reste le talon d’Achille de beaucoup d’entreprises familiales et c’est là où il faut agir.

Au-delà la transmission du capital, le dirigeant sortant se doit de transmettre à son successeur non seulement les connaissances liées au métier et/ou à l’industrie dans laquelle opère l’entreprise, mais également les valeurs et le capital social de celle-ci.

Les valeurs sont l’une des composantes principales du « family effect » auquel fait référence Dyer (2006) lorsqu’il souligne l’impact de la dimension familiale sur la performance des entreprises familiales.

Les valeurs partagées sont un pilier majeur de la pérennité des EF, elles sont le ciment de la culture organisationnelle.

Quant au capital social au sens de Bourdieu (1986), c’est l’ensemble «  des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’inter-reconnaissance ou, en d’autres termes, à l’appartenance à un groupe, comme ensemble d’agents qui ne sont pas seulement dotés de propriétés communes, mais sont aussi unis par des liaisons permanentes et utiles ».

Il est essentiel que le temps nécessaire soit pris pour que  le désigné successeur soit introduit, présenté et accepté par les parties prenantes clés internes et externes de l’entreprise (clients, fournisseurs, employés, etc.)

Sans leur confiance et sans gain de légitimité à leurs yeux, la réussite de la transmission risque d’être compromise à bien des égards.

Et si le jeune successeur était un Fredo ?

Fredo fait référence à Alfredo Corleone (Fredo) dans « Le Parrain » de Francis Coppola. Inspirés de son caractère, Kidwell et al. (2010) ont développé le concept du «Fredo effect ».

Cette analogie permet de décrire en l’occurrence un successeur considéré comme peu compétent par les autres employés.

Le « Fredo » de la famille n’est là qu’en raison de sa filiation. Les conséquences peuvent être néfastes, voire fatales pour l’entreprise.

Les tensions rendent très difficiles le partage de l’information. Les employés peuvent parfois résister passivement, voire activement avec quelques actes de sabotage. Il y a pire scénario, c’est d’être injustement mis dans la case « Fredo » par son propre père comme l’illustre si bien « Tu seras mon fils » de Gilles Le Grand.

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